Mission Pédagogique Réussie à Shanghai !

- UCBL : Bonjour Clément, pouvez-vous nous dire comment vous est venue l’idée de partir 1 an à Shanghai pour enseigner la médecine ?
- Clément : Au printemps 2023, j’ai vu un mail présentant l’annonce d’un poste réservé à un jeune médecin pour délivrer un enseignement de type préparation à l'ECN/EDN pour des étudiants chinois francophones à Shanghai. Cela m’a interpelé car depuis mes années lycée j’ai réalisé que j’aimais beaucoup transmettre et aider mes paires à apprendre. J’ai ainsi été Vice-Président Tutorat puis Président du Tutorat PACES de feu l’Université Paris Descartes (association bénévole nommée C2P1 – Cercle Cartésien des PACES) pendant mes études de médecine, et depuis juillet 2022 Vice-Président en charge des ECOS au TACFA (Tutorat Associatif pour des Conférences en DFASM, tutorat national dématérialisé, mené par des internes et seniors partout en France). J’ai donc répondu à cette annonce qui pouvait me permettre d’approfondir mon désir d’enseignement, même si je n’avais aucune connaissance en chinois. J’ai été reçu par le Doyen, le Pr Gilles Rode, le Pr Patrick Mertens, coordonnateur de la coopération et Mme Charlotte Barthe, responsable administrative, qui m’ont présenté les enjeux de la mission et ont surtout vérifié mon goût pour l’enseignement. J’ai compris que j’allais évidemment délivrer un enseignement médical mais également transmettre la culture française et être un représentant de l’Université Lyon 1 une fois sur place.  Après avoir obtenu l’accord de mon responsable de DES et ma mise en disponibilité, le grand marathon des formalités administratives a commencé début juillet. Je me suis envolé fin octobre 2023 pour Shanghai avec beaucoup d’inconnues mais une grande soif de découvertes.

- UCBL : Concrètement, en quoi consistait votre mission une fois sur place ?
- Clément Filliol : J’étais enseignant au sein de l’EMSF, l’école médicale sino-française qui dépend de la faculté de médecine de l’université de Jiao Tong à Shanghai et qui permet aux meilleurs étudiants de suivre un double cursus en français, en plus du cursus médical chinois obligatoire (30 à 35 étudiants par promotion). Mon activité principale a consisté à préparer et donner des cours pour 4 promotions d’étudiants, de la 3ème à la 6ème année de médecine. Ces derniers étaient d’ailleurs déjà internes à l’hôpital, orientés dans une spécialité choisie en fin de 5ème année. Les cours pour les étudiants de 3ème année étaient purement théoriques, tandis que les trois autres étaient basés sur le raisonnement clinique au travers de l’étude de cas cliniques.
J’ai également eu pour mission de préparer les étudiants futurs FFI. Pour cela, j’ai créé des supports de préparation à l’arrivée en France, en leur expliquant le fonctionnement de l’hôpital, le fonctionnement du système de santé en France, mais aussi en révisant des cas cliniques classiques qu’ils pourraient rencontrer à l’hôpital.
En parallèle de la préparation de ces cours, de nombreuses missions m’ont été attribuées au cours de l’année : relecture de CV pour des candidatures (postes de DFMS, stages de recherche en France, etc.), résumés d’articles pour un mémoire (obligatoire pour tous les étudiants en fin de 3ème année, depuis 2024), texte pour articles de recherche sur la pédagogie, ou encore accueil des enseignants Français, réalisant des missions d’enseignement d’une semaine. Il était donc primordial d’être flexible sur mon organisation, et surtout d’anticiper au maximum la préparation des cours pour faire face à ces imprévus, qui étaient parfois eux aussi chronophages.
En somme, la mission ne consistait pas simplement à dispenser des cours, mais à les préparer, et à prendre part à toutes les missions du quotidien, essentielles au fonctionnement de l’école.
Durant une partie de l’année, un enseignant de Français médical membre du CUEF de Grenoble (Centre Universitaire d’Etudes Françaises) est venu rejoindre l’équipe pédagogique de l’école. Je n’ai donc pas toujours été le seul Français à l’école durant cette année.

- UCBL : Et d’un point de vue logistique et matériel, quelles étaient vos conditions de vie ? Ce ne doit pas être facile de changer d’environnement et de culture
- Clément Filliol : En ce qui concerne mon logement, l’école m’avait attribué un T2 d’environ 30 m2 situé dans la Faculté de Médecine, dans une aile privée du bâtiment des étudiants internationaux, située dans le quartier Luwan, au cœur de l’ancienne concession française. J’étais très proche de mon bureau (15 minutes à pied) et de mes lieux d’enseignement, que ce soit à la faculté ou à https://lyon-est.univ-lyon1.fr/servlet/com.univ.utils.LectureImageToolbox?TAG=image&id=1320403184774l’hôpital Ruijin. Pour les repas, je les prenais essentiellement à la cantine de la Faculté (à 3 min à pied du logement) ou à celle de l’hôpital ; plus rarement, je dinais avec des amis, des anciens FFI Chinois (internes chinois ayant passé une année en France) ou des collègues au restaurant, mais d’une manière générale, je n’ai pas cuisiné durant cette année, ce qui n’a pas été un problème car la cuisine chinoise est délicieuse ! Même les plats de la cantine étaient agréables à manger et dès que j’allais au restaurant, je dégustais de nouveaux plats, tous aussi délicieux les uns que les autres… J’aime particulièrement la cuisine de Shanghai, avec ses fameux xiaolongbao (des petits pains à la pâte fine et garnis de soupe avec boulette de viande : crabe ou porc pour les plus connus), mais aussi son poisson mandarin, qui est un poisson frit à la sauce aigre-douce…
Vous parliez de changement d’environnement ? En effet, il m’a fallu quelques semaines d’adaptation ! Je ne vous cache pas que le fait de me retrouver seul dans une ville de 27 millions d’habitants, le premier week-end après mon arrivée, ne parlant pas un mot de chinois, n’ayant pas accès à un traducteur (gros problèmes de VPN les premières semaines) n'a pas été évident. J’ai donc décidé très rapidement de m’initier au chinois grâce à l’application Duolingo. Je suis ressorti grandi de ces débuts difficiles ; un peu plus tard dans l’année, j’ai pu échanger quelques mots en chinois avec des campagnards (qui n’avaient jamais - ou presque - vu d’étranger), ou encore à m’amuser lors de sessions de badminton avec des Chinois : ces moments furent vraiment satisfaisants, encourageants et joyeux !

- UCBL : En effet, vous avez vécu d’autres choses en dehors de votre mission. Quelles ont été vos occupations extra-professionnelles ?
- Clément Filliol : Comme évoqué à l’instant, j’ai pu pratiquer pas mal de sport (essentiel pour mon équilibre de vie) à Shanghai. J’ai eu la chance de rencontrer très rapidement un Français (via Facebook) qui m’a introduit dans une équipe de Touch Rugby, avec laquelle j’ai joué pendant plus de 6 mois, avant d’en trouver une plus compétitive avec laquelle j’ai terminé mon séjour à Shanghai. Par ailleurs, j’ai pu trouver des clubs de badminton, logistiquement et financièrement très accessibles. J’ai aussi pu jouer à plusieurs reprises avec des internes chinois, anciens FFI en France, avec qui j’ai sympathisé. En dehors de ces sessions sportives, j’ai participé en début d’année à une représentation théâtrale sur l’histoire d’un des pionniers de l’hôpital Ruijin, jouant le rôle du Président du jury de l’internat en France. J’ai également profité de cette année toute particulière pour voyager en Chine. En fonction de mon emploi du temps et des congés universitaires, j’ai pu me rendre dans de nombreux sites touristiques fameux en Chine : de Pékin au nord, la capitale historique aux monuments impressionnants, à Guilin & Yangshuo au sud, une région où serpente la rivière Li au milieu de paysages karstiques, en passant par Xi’an au centre, ancienne capitale de la Chine, proche de laquelle on retrouve la fameuse armée de soldats en terre cuite. Des paysages à couper le souffle m’ont encouragé à profiter de chaque instant de liberté pour en visiter d’autres, et particulièrement les montagnes chinoises, à la particularité qu’elles sont toutes accessibles par des marches construites par l’Homme (voire des téléphériques en journée !) : Huashan, Huangshan (les montagnes jaunes), Laoshan, Taishan (la montagne la plus sacrée de Chine où plus de 70 empereurs se sont rendus), Tianmenshan où l’on retrouve la porte du ciel… (Vous l’aurez compris, « shan » signifie « montagne » en chinois.) Enfin, un petit mot sur l’un des plus beaux paysages que j’ai pu admirer : le parc national de Zhangjiajie, qui a inspiré les montagnes du film « Avatar », par ses pics karstiques parfois sortant d’une rivière de nuages… La Chine est vraiment un pays magnifique !

- UCBL :  Vous voilà à présent de retour à Lyon, Comment vos projets professionnels et personnels ont-ils évolué grâce à cette expérience ?
- Clément Filliol: Cette mission a renforcé mon désir de continuer dans la voie de l’enseignement, mais aussi celui de voyager et découvrir le monde. Pendant cette année, j'ai eu la chance de pouvoir poursuivre mon engagement bénévole dans l'enseignement, au TACFA, et entrepris la rédaction d'un manuel pédagogique pour l'école que je souhaite poursuivre. En ce début de semestre à Lyon, j’ai déjà repris mes activités d’enseignement et suis en ce moment-même en train de donner des cours aux étudiants de 3ème et 4ème année de médecine de Lyon Sud sur l’imagerie, à travers des petits ateliers dans lesquels nous reprenons les bases et notions essentielles que ces étudiants doivent maîtriser pour leur futur. Je vais aussi essayer de reprendre le flambeau des conférences d’imagerie aux facultés de médecine de Lyon Est et Lyon Sud, en accord avec les responsables étudiants de ces missions.

- UCBL : Quel bilan tirez-vous de cette année à Shanghai ? Que souhaiteriez-vous transmettre aux jeunes internes qui seraient intéressés par cette mission ?
- Clément Filliol : Le bilan est très positif. J'ai adoré enseigner et j'ai eu l'opportunité de voyager et de découvrir différentes cultures. Cela a été une expérience enrichissante sur le plan personnel et professionnel. J’ai été et suis encore particulièrement touché par la gentillesse et la chaleur d’accueil dont les Chinois savent faire preuve ! J’ai eu la chance de terminer ma mission par la participation à deux colloques scientifiques à Shanghai et à Wuhan, tous deux soutenus par l’ambassade de France en Chine. J’ai été sollicité pour présenter une communication sur l’enseignement du français médical, un moment un peu stressant face à un public inhabituel pour moi, mais qui a permis d’exposer le travail de l’école et notamment le mien, à tous ces acteurs de la collaboration sino-française en médecine, dans les domaines de l’enseignement et de la recherche. Ce fut également une expérience supplémentaire et nouvelle pour le jeune interne que je suis. A tout interne qui serait intéressé par la mission, je n’ai d’autre mot que de vous encourager à y aller : foncez ! Le voyage est long, parfois difficile, mais il en vaut la peine ! Comme le dirait le proverbe chinois : « 山重水复疑无路，柳暗花明又一村 » (Shān chóng shuǐ fù yí wú lù, liǔ àn huā míng yòu yī cūn) », ce qui veut dire « Les montagnes et les rivières semblent barrer la route, mais derrière les saules sombres et les fleurs éclatantes se cache un village ».


Interview Charlotte Barthe